Les fondamentaux du dispositif CEE

Créé par la loi POPE (Programme fixant les Orientations de la Politique Énergétique) de 2005, le dispositif des Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) constitue l'un des principaux instruments de la politique française de maîtrise de la demande énergétique.

Le principe repose sur une obligation triennale de réalisation d'économies d'énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d'énergie, appelés "obligés". Ces derniers doivent promouvoir activement l'efficacité énergétique auprès des consommateurs d'énergie : ménages, collectivités territoriales ou professionnels.

Trois catégories d'acteurs interviennent dans ce dispositif :

  • Les obligés : fournisseurs d'électricité, gaz, fioul, carburants et chaleur
  • Les éligibles : collectivités publiques, ANAH, bailleurs sociaux
  • Les bénéficiaires : tout consommateur final réalisant des économies d'énergie

La cinquième période du dispositif (2022-2025) fixe un objectif d'économies d'énergie de 2400 TWh cumac, dont 600 TWh cumac au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique. Les certificats sont délivrés par le Pôle National des CEE (PNCEE) après vérification de l'éligibilité des opérations.

Le dispositif permet de financer des actions standardisées définies dans un catalogue de fiches d'opérations, ainsi que des opérations spécifiques adaptées aux projets particuliers. Les CEE obtenus sont matérialisés par leur inscription sur le registre national Emmy.

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Les mécanismes de financement des CEE dans l'industrie

Le financement des projets d'efficacité énergétique via les Certificats d'Économies d'Énergie (CEE) repose sur un système de valorisation en kWh cumac. Cette unité de mesure spécifique prend en compte les économies d'énergie cumulées sur la durée de vie de l'équipement et actualisées pour tenir compte de la perte d'efficacité dans le temps.

Le montant de la prime CEE est calculé selon la formule suivante : volume de certificats en kWh cumac × prix du kWhc en euros. Ce prix est déterminé par le marché et le fournisseur d'énergie (l'obligé). Pour les industriels, le taux de couverture peut varier significativement selon les projets :

  • De 1% à 30% du montant total pour les opérations standardisées classiques
  • Jusqu'à 100% dans certains cas spécifiques avec Contrat de Performance Énergétique (CPE)
  • Des bonifications sont possibles pour certaines opérations comme la récupération de chaleur (×2)

Pour valoriser leurs travaux, les industriels doivent collaborer avec un partenaire CEE qui peut être :

  • Un obligé (fournisseur d'énergie)
  • Un délégataire d'obligations
  • Un mandataire spécialisé dans le montage des dossiers CEE

Le processus de financement suit plusieurs étapes clés : d'abord la signature d'une convention avant le début des travaux, puis la constitution du dossier technique respectant les critères d'éligibilité, et enfin la validation par le Pôle National des CEE (PNCEE) qui permet le versement de la prime.

Pour les opérations spécifiques, non couvertes par les fiches standardisées, le calcul du montant d'aide nécessite une étude détaillée. Le Temps de Retour Brut (TRB) doit être supérieur à 3 ans pour être éligible, l'objectif étant de soutenir des projets qui ne seraient pas rentables sans cette aide.

La cinquième période des CEE (2022-2025) maintient ces mécanismes de financement tout en renforçant les contrôles et la transparence du dispositif. Les industriels peuvent désormais suivre leurs dossiers et la valorisation de leurs certificats via le registre national Emmy.

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Les opérations standardisées éligibles pour l'industrie

Le secteur industriel dispose de 34 fiches d'opérations standardisées réparties en trois catégories :

Enveloppe : Ces fiches concernent principalement l'isolation des bâtiments industriels, notamment dans les DOM-TOM avec les fiches IND-EN-101 (isolation des murs) et IND-EN-102 (isolation des combles).

Bâtiment : Cette catégorie regroupe les opérations liées au chauffage, à la ventilation et à l'éclairage comme la fiche IND-BA-110 (déstratification d'air) et IND-BA-116 (luminaires LED).

Utilités : C'est la catégorie la plus importante avec notamment :

  • IND-UT-121 : Récupération de chaleur sur groupe froid, permettant jusqu'à 30% d'économies d'énergie
  • IND-UT-134 : Régulation sur production de froid, adaptant la puissance aux besoins réels
  • IND-UT-117 : Isolation des points singuliers, réduisant jusqu'à 10% les pertes thermiques
  • IND-UT-106 : Variateur de vitesse sur moteur asynchrone
  • IND-UT-132 : Récupération de chaleur sur compresseur d'air
  • IND-UT-107 : Système de régulation sur pompe
  • IND-UT-137 : Pompe à chaleur en réhausse de température

Ces fiches standardisées sont régulièrement mises à jour par l'ATEE en collaboration avec l'ADEME et validées par la DGEC pour s'adapter aux évolutions technologiques et aux besoins des industriels.

Les opérations spécifiques et projets complexes

Pour les projets industriels qui ne correspondent pas aux fiches d'opérations standardisées, il est possible de monter un dossier CEE spécifique. Cette option permet de valoriser des solutions innovantes ou sur-mesure adaptées aux particularités de chaque site.

Le montage d'une opération spécifique nécessite la réalisation d'un audit énergétique détaillé par un bureau d'études spécialisé. Cet audit doit permettre de :

  • Analyser la situation énergétique initiale de référence
  • Quantifier précisément les économies d'énergie prévisionnelles
  • Démontrer la pertinence technique et économique du projet

Pour être éligible, une opération spécifique doit respecter plusieurs critères stricts :

  • Avoir un temps de retour brut supérieur à 3 ans sans aide CEE
  • Ne pas conduire à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre
  • Ne pas être réalisée uniquement pour se conformer à la réglementation

Le calcul des économies d'énergie s'effectue par rapport à une situation de référence. Les hypothèses financières sont encadrées : prix des énergies basé sur la moyenne des 36 dernières factures, prix du CO2 fixé administrativement (90,02 €/tCO2 en 2024).

Les consultants et bureaux d'études jouent un rôle essentiel dans ces opérations complexes. Ils accompagnent les industriels pour :

  • Identifier les gisements d'économies d'énergie
  • Réaliser les études technico-économiques nécessaires
  • Constituer le dossier de demande de CEE
  • Assurer le suivi des mesures après travaux

Une campagne de mesures post-travaux est obligatoire pour confirmer les économies réelles et valider définitivement le volume de CEE attribué. Cette phase de vérification dure généralement 6 mois.

Le processus de demande de CEE étape par étape

Pour obtenir des Certificats d'Économies d'Énergie, les industriels doivent suivre un processus rigoureux en plusieurs étapes :

1. Phase préparatoire

  • Identifier les opérations éligibles dans le catalogue des fiches standardisées ou évaluer l'éligibilité d'une opération spécifique
  • Faire réaliser un diagnostic énergétique par un bureau d'études qualifié
  • Sélectionner un partenaire obligé ou mandataire CEE pour valoriser les certificats

2. Convention et engagement

  • Signer impérativement la convention CEE avant la commande des travaux
  • Cette convention définit le rôle actif et incitatif du partenaire CEE
  • Faire établir les devis par des professionnels qualifiés RGE

3. Constitution du dossier

  • Rassembler les pièces justificatives requises : devis, factures, attestations sur l'honneur
  • Le mandataire vérifie la conformité technique et administrative du dossier
  • Transmission au Pôle National des CEE (PNCEE) pour instruction

4. Validation et versement

  • Examen du dossier par le PNCEE
  • Délivrance des certificats après validation
  • Versement de la prime selon les modalités convenues dans la convention

Perspectives et évolutions du dispositif CEE

Pour la période 2022-2025, le dispositif CEE connaît plusieurs évolutions majeures visant à renforcer son impact sur la décarbonation industrielle. Les bonifications sont recentrées sur les actions à fort potentiel de réduction carbone, avec un plafonnement à 25% du volume total d'obligation.

Le programme PACTE Industrie devient un levier stratégique, proposant des financements de 40% à 80% pour former les référents techniques et de 20% à 70% pour préparer les investissements de décarbonation. Ce programme s'articule autour de trois axes : développement des compétences, élaboration de stratégies bas-carbone et préparation des investissements.

La simplification administrative est également au cœur des réformes avec la standardisation des documents et un processus déclaratif de demande des certificats, couplé à un contrôle a posteriori. Le comité de pilotage assure désormais un dialogue permanent avec les parties prenantes pour plus de transparence.